Covid-19 : les nouveaux enjeux santé et sécurité au travail

Pour assurer les conditions de santé et de sécurité au travail des agents, des mesures nécessaires, obligatoires mais également exceptionnelles, ont été mises en œuvre et déployées, avec aujourd’hui une écoute et une attention particulières à maintenir.

Compliqué de redonner de la confiance aux agents

Thierry Rieffle

Des réorganisations systémiques seront nécessaires, en utilisant pleinement ce que nous proposent les ergonomes et qui est retranscrit dans les principes généraux de prévention : “adapter le travail à l’homme et non l’inverse” et “comprendre le travail pour le transformer”

Thierry Rieffle, conseiller en prévention à la ville de Lyon (69)

Protocoles d’intervention, affiches de sensibilisation, plexiglas pour séparer les agents entre eux et pour protéger ceux qui accueillent du public… des mesures importantes sont mises en oeuvre à la ville de Lyon en matière de protection. Malgré tout, « redonner de la confiance aux agents sur leur environnement de travail » est compliqué, témoigne Thierry Rieffle. « Le risque de transmission du virus est toujours là, la peur également (...) ». Et de préciser : « Du point de vue des risques professionnels, nous connaissions déjà les risques chimiques et bactériologiques bien avant la Covid-19, identifiés dans notre document unique (DUER) (1). Des moyens de prévention et de précautions existent, même si dans l’urgence les interventions évoluent. Un exemple avec un contrôle de police de la route suite à la constatation d’une infraction, d’un délit… La situation de travail peut bien se passer (reconnaissance par le mis en cause de l’infraction/délit, coopération avec le policier…). Mais elle peut “évoluer”, passer du code de la route à l’outrage et rébellion. Le travail du policier sera différent, il aura besoin de plus d’équipement de protection et l’instantanéité ne permet pas toujours de s’équiper pour travailler en sécurité. Toutes les mesures de prévention ne sont pas toujours aussi simples à mettre en oeuvre », comme l’indique le protocole sanitaire notamment.

De nouvelles formes d'organisation du travail

Le conseiller en prévention constate ainsi la complexité à respecter ces mesures, à l’image du port du masque. « Cela nécessite vigilance et rigueur à tout instant. » Quant à l’impact de cette crise sur la santé des agents, Thierry Rieffle estime que « les règles de distanciations physique et sociale, le travail à distance, les nouvelles formes de l’organisation du travail, la revalorisation de certains métiers, de certaines tâches vont avoir un effet sur les contraintes psycho-organisationnelles ou risques psychosociaux ». Selon lui, des changements de paradigme vont s’opérer, notamment autour des espaces de travail partagés et du travail à distance. « Des réorganisations systémiques seront nécessaires, en utilisant pleinement ce que nous proposent les ergonomes et qui est retranscrit dans les principes généraux de prévention : “adapter le travail à l’homme et non l’inverse” et “comprendre le travail pour le transformer” ».

(1) DUER : le document unique d’évaluation des risques est un document synthétique sur lequel se retrouvent l’ensemble des risques professionnels inhérents à la structure.

Des webinaires pour prévenir les risques en télétravail

Virginie Haldric

Nous avons été assez vite en alerte sur l'expression d'un stress, de fatigues musculaires, d'un surinvestissement, d'une incapacité à déconnecter.

Virginie Haldric, directrice générale adjointe modernisation et performance de l’administration au conseil départemental du Var (83)

« Des obligations fortes pèsent sur nous pour garantir la sécurité et la santé physique et mentale de nos collaborateurs », rappelle Virginie Haldric. Dans ce contexte de crise sanitaire, la collectivité a ainsi renforcé ses moyens et développé des outils supplémentaires avec l’appui des équipes du service santé au travail et de la médecine de prévention. Exemple avec la création d’affichettes et de documents de sensibilisation ou encore la mise en place de webinaires pour accompagner les agents en télétravail, sur les aspects posture, organisation de l’espace de travail, gestion du droit à la déconnexion… « Nous avons été assez vite en alerte sur l’expression d’un stress, de fatigues musculaires, d’un surinvestissement, d’une incapacité à déconnecter », confie la directrice générale adjointe. Au sein de sa propre direction générale, Virginie Haldric a d’ailleurs fixé des règles essentielles pour protéger ses collaborateurs, comme l’envoi des mails entre 8h et 18h et des espaces de respiration les mercredis après-midi. Autre mesure mise en place pour prévenir les risques : l’organisation d’un dialogue avec chaque agent du département, « pour être pleinement à l’écoute ». Une attention particulière est également portée à certaines équipes. « C’est le cas de l’aide sociale à l’enfance qui est la plus fragile. Une équipe où il y a eu pendant la crise deux droits de retrait et pour laquelle il y a besoin d’apporter beaucoup de soutien. »

Tout un service à réorganiser et une maintenance à mettre en place

Laure-Marie Lempereur

J’ai également réorganisé les tâches des agents de mon équipe, chacun étant affecté à une mission et travaillant seul pour respecter les distances.

Laure-Marie Lempereur, agent de la Région Grand Est et chef de cuisine au lycée Simon Lazard de Sarreguemines (57)

« J’ai entièrement repensé et réorganisé le service de restauration avec la mise en place de protocoles stricts », relate Laure-Marie Lempereur, qui a fait le choix, même en cette période, de préparer les repas avec un service à table. « Des protocoles stricts pour les agents de mon équipe (désinfection, linge, vestiaire, déchets, etc.), pour les marchandises et pour le réfectoire afin de respecter les gestes barrières, les distanciations, les mesures de protection… » Une exigence supplémentaire pour la chef de cuisine d’un établissement qui accueille des élèves de lycée et de collège, midi et soir ! Toute une maintenance a dû être mise en place quelques jours à peine avant la première reprise du 2 juin, alors même que « les protocoles sanitaires ont mis énormément de temps à sortir ». Exemple avec la réalisation d’analyses de légionellose par un laboratoire et une commande de stock assez conséquente de produit virucide répondant à la norme EN14476.

Continuer à communiquer

« J’ai également réorganisé les tâches des agents de mon équipe, chacun étant affecté à une mission et travaillant seul pour respecter les distances. » Avec le souci pour la responsable de les protéger au maximum en les sensibilisant aux nouvelles règles, en prenant le temps d’expliquer leur tâche, en continuant de communiquer... « S’il n’y a pas d’échanges, cela ne peut pas fonctionner. » Un échange qui lui a permis de repérer et d’accompagner un agent anxieux. Sa crainte en cette rentrée de septembre est d’avoir des difficultés de stockage. Mais Laure-Marie Lempereur a déjà imaginé toutes les solutions possibles pour « pouvoir accueillir tout le monde », ce qui lui tient à cœur, tout en continuant d’appliquer des mesures de protection très strictes.

Assurer les missions de service à la population

Ces trois témoignages montrent que cette crise sanitaire a bouleversé les organisations de travail, nos habitudes, la façon de manager... « obligeant » à redoubler d’efforts pour protéger celles et ceux qui continuent, dans des conditions parfois compliquées, d’assurer leur mission de services à la population, tout en restant vigilants aussi à protéger les usagers. Une crise sanitaire dont nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences sur la santé physique et mentale des travailleurs. Dans ce contexte, il est plus que jamais important d’être attentif à chaque signe, chaque symptôme (stress, changement d’humeur, repli sur soi…) pouvant révéler une souffrance, des risques psychosociaux. Avec un enjeu, en cette période et pour les mois à venir, celui de la santé au travail.

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