L’essentiel à savoir sur l’anosmie

L’anosmie ou perte d’odorat occupe le devant de la scène médiatique depuis qu’elle est devenue un des principaux symptômes de la COVID-19. Bien que bénigne, cette pathologie peut avoir un lourd retentissement sur la qualité de vie des personnes atteintes. D’où l’importance de la prendre en charge au plus tôt pour optimiser ses chances d’en venir à bout rapidement.

Anosmie, de quoi s’agit-il ?

La COVID-19 aura permis de faire entrer l’anosmie dans le langage courant. Tout le monde ou presque a désormais entendu parler de cette perte brutale de l’odorat qui s’accompagne souvent de la perte du goût (agueusie) car les deux sens sont intimement liés. L’odorat est en effet indispensable pour apprécier la saveur des aliments.

Cette pathologie était déjà très répandue avant l’épidémie de COVID. On estime ainsi que l’anosmie concernerait entre 1 et 5 % de la population des pays occidentaux (1). Mais l’épidémie actuelle a sans aucun doute entraîné une forte augmentation du nombre de cas. L’anosmie est en effet l’un des symptômes les plus spécifiques et les plus fréquents du virus, notamment dans les formes légères. Plusieurs études suggèrent ainsi qu’entre 46 et 86 % des patients contaminés par la COVID-19 souffriraient d’une perte olfactive, plus ou moins longue, voire permanente dans certains cas. Cette perte d’odorat serait due, selon l’INSERM, à « une inflammation dans l’environnement des neurones olfactifs, qui rendrait ces derniers inaccessibles aux molécules odorantes et finirait même par les endommager ». (2)

Mais au-delà de la COVID-19, l’anosmie peut avoir d’autres origines, notamment l’âge. Comme la vue ou l’ouïe, l’odorat se dégrade lorsque l’on vieillit. 80 % des plus de 75 ans seraient ainsi concernés par ce trouble (3). D’autres facteurs peuvent également favoriser la survenue d’une anosmie, notamment :

  • les infections virales de type rhume ou grippe : cette origine de l’anosmie semble toucher plus fréquemment les femmes et s’observe le plus souvent entre 40 et 60 ans (4) ;
  • un traumatisme crânien qui peut provoquer une déchirure du nerf olfactif reliant le nez au cerveau ;
  • une polypose naso-sinusienne (sinusite chronique inflammatoire entraînant la formation de polypes dans la cavité nasale) qui concernerait 4 % de la population française (5) ;
  • certaines anomalies congénitales : l’anosmie peut être présente à la naissance de façon isolée ou combinée à d’autres symptômes (comme dans le cas du syndrome de Kallmann) ;
  • certaines maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson ou maladie d’Alzheimer notamment).

De lourdes conséquences sur la qualité de vie des patients

Quelle que soit son origine, la perte olfactive peut avoir un important retentissement sur les comportements des patients, notamment sur le plan alimentaire. La moindre perception des goûts liée à la perte olfactive peut en effet les inciter à consommer davantage d’aliments salés et gras pour compenser, ce qui n’est pas sans impact sur leur santé. Cette perte de goût peut également avoir pour conséquence une baisse de l’appétit liée à la perte du plaisir de manger, ce qui peut engendrer des difficultés dans la vie sociale et une tendance à l’isolement. Les personnes souffrant de la perte d’odorat et de goût n’ont souvent plus envie de cuisiner, d’aller au restaurant ou de recevoir…

Le déficit olfactif peut aussi favoriser un sentiment d’insécurité lié à l’incapacité d’évaluer sa propre odeur corporelle (odeur de transpiration, mauvaise haleine…) ou à la difficulté de percevoir certains dangers (feu, produits chimiques nocifs, nourriture avariée…), avec pour corollaire un risque accru d’accidents domestiques.

Enfin, compte tenu du handicap social lié à la perte d’odorat, les patients atteints d’anosmie présentent un risque plus élevé de dépression. On estime ainsi qu’environ 25 à 30 % d’entre eux souffriraient de symptômes dépressifs (4).

L’importance du diagnostic précoce

L’anosmie doit faire l’objet d’un diagnostic et d’une prise en charge au plus tôt pour éviter qu’elle n’ait un retentissement durable sur la santé mentale et la qualité de vie des patients. Le diagnostic repose sur un interrogatoire, un examen clinique et endoscopique, complété par d’autres examens complémentaires :

  • l’interrogatoire : essentiel au diagnostic, il permet de recueillir notamment des informations sur les circonstances précises liées à l’apparition de l’anosmie (traumatisme crânien, contexte infectieux…) ainsi que sa rapidité d’installation ;
  • les examens : un examen clinique ORL et une endoscopie sont réalisés afin de vérifier la présence éventuelle d’une anomalie à l’intérieur du nez (exemple : polypes, muqueuse inflammatoire ou surinfection). Ensuite, des tests olfactifs sont effectués afin de confirmer le diagnostic d’anosmie. Ils peuvent être complétés par un enregistrement électro-encéphalographique (EEG) en réponse à la stimulation odorante, et une mesure de la perméabilité nasale (rhinomanométrie).

Les traitements de l’anosmie

Deux types de traitements « conventionnels » peuvent être proposés aux patients souffrant d’anosmie, selon l’origine de leur trouble :

  • la chirurgie qui peut être indiquée par exemple dans certains cas pour éliminer des polypes dans la cavité nasale ;
  • certains médicaments, notamment les corticostéroïdes, pour traiter l’inflammation liée aux maladies de la muqueuse nasale ou des sinus. Ces traitements ont toutefois des effets limités sur la récupération de l’odorat chez une part non négligeable de patients.

En ce qui concerne les anosmies d’origine virale (ex. grippe) ou traumatique (ex. traumatisme crânien), aucun traitement à date n’a fait ses preuves. Dans certains cas, l’odorat revient spontanément mais souvent sous la forme d’une parosmie (distorsion d’une odeur vers une autre souvent désagréable : en sentant du café on perçoit par exemple une odeur de brûlé) ou d’une fantosmie (on sent une odeur sans qu’aucune source d’odeur ne soit présente).

En l’absence de récupération spontanée de l’odorat, une nouvelle piste thérapeutique s’avère prometteuse : « l’entraînement olfactif » qui a produit des résultats encourageants dans différentes études récentes. Cette rééducation consiste à demander au patient de respirer des odeurs différentes, au moins deux fois par jour sur une période de deux à trois mois. Huiles essentielles, épices, extraits de plantes… L’essentiel est de réunir des odeurs variées pour permettre une stimulation olfactive la plus large possible. Pour aider les patients dans cette démarche, l’association anosmie.org a développé un protocole de rééducation olfactive en lien avec Hirac Guren, neurobiologiste et directeur de recherche en neurosciences au CNRS. Une application appelée « Covidanosmie.fr » a été lancée en janvier 2021 sur la base de ce protocole pour aider les patients souffrant d’anosmie à rééduquer leur odorat et à évaluer leurs résultats. Elle s’adresse en particulier aux personnes ayant perdu l’odorat suite à la COVID-19, ne l’ayant pas retrouvé spontanément au bout d’une à deux semaines et qui souhaiteraient optimiser leurs chances de récupération olfactive.

(1) Source : Libération, Tribune de Moustafa Bensafi, directeur de recherches CNRS au Centre de recherches en neurosciences de Lyon (CRNL) , Catherine Rouby, maître de conférences honoraire au CRNL et Camille Ferdenzi-Lemaître, chercheuse CNRS au CRNL « Avec le Covid-19, on met enfin le nez sur la perte de l’odorat » / (2) Article, « A vue de nez, c’est quoi l’anosmie », site Internet de l’INSERM. / (3) Selon le Pr Pierre Bonfils, chef du service ORL et chirurgie cervico-faciale de l’hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP). (4) Source : site Internet Odorat-Info / (5) Source : site Internet de la Fondation Rothschild.

Avez-vous aimé cet article ?

oui