Sapeur-pompier : s’adapter à un danger invisible et inodore

Christophe Chaillot, sapeur-pompier adjudant-chef à Reims (SDIS 51) et ses collègues, comme tous les pompiers de France, font face au virus tout en continuant de porter secours et assistance. Le Covid-19 ? Un danger invisible et inodore auquel ils doivent s’adapter. Témoignage.

Interview réalisée pendant le confinement, en avril 2020.

En cette période de crise, qu'est-ce qui a été mis en place ?

Une organisation stricte a été mise en place au niveau du protocole de désinfection et d’habillage avec masques de protection (FFP1 et FFP2), gants, blouses, sur-chaussures, lunettes, charlottes et gel hydroalcoolique. Nous avions des stocks de matériels à la suite de l’épidémie H1N1 de 2009. Heureusement, d’ailleurs, qu’il y a eu cette alerte ! Si nous commençons toujours le matin à 8 heures par la vérification de la présence, des compétences et du matériel, nous consacrons en revanche dorénavant une grande partie du temps à désinfecter en nettoyant de fond en comble deux fois par jour la caserne et les véhicules. Les séances de sport sont maintenues en fin de matinée mais individuellement. Nous sommes en effet soumis au même respect de distanciation que le reste de la population. Dans les ambulances, nous nous sommes adaptés, le troisième homme monte à l’arrière du véhicule.

De quelle manière êtes-vous mobilisé ?

Les deux centres de secours de Reims, qui comptent respectivement 26 et 20 sapeurs-pompiers professionnels de garde par jour, interviennent sur Reims mais aussi dans le reste du département. Nous avons beaucoup moins de pompiers volontaires et nous n’accueillons plus de personnes en stage ni en formation pour éviter les risques. Nous continuons à la caserne d’effectuer nos cycles de 24 heures de garde et 48 heures de repos. En tant qu’adjudant-chef, je suis chef de groupe et responsable de la garde pendant 24 heures. Mon rôle est aussi d’être dans l’action. La grande qualité d’un pompier, c’est vraiment de s’adapter.

Qu’est-ce que cette crise a modifié dans votre façon de travailler ? Qu’est-ce qui a changé ?

Accidents de circulation, blessés au travail, accidents de sport… tout cela s’est presque arrêté du jour au lendemain. En revanche, nous avons vu une évolution dans la crise. Nous avons de plus en plus d’appels de personnes inquiètes de l’absence de réponse d’un proche. Et nous avons affaire à des malaises graves, des suspicions de Covid-19. Nous constatons aussi plus de morts à domicile dont on ne sait s’ils sont liés ou non au virus. Maintenant, nous appréhendons ces interventions quand nous prenons le ticket de départ et avons conscience du motif de départ. Cette appréhension disparaît une fois en intervention, d’autant que nous avons tout l’équipement de protection et que nous appliquons les gestes barrières. Mais le risque zéro n’existe pas. Et nous pouvons aussi être des porteurs sains...

Quel est votre état d'esprit ?

Quand on est sapeur-pompier, on a l’habitude d’être confronté au danger. Un danger que l’on voit, que l’on sent… mais là c’est différent. Le danger est inodore, invisible. Au début de la crise, lorsque le médecin chef est revenu de Paris et a tenu un discours qui n’était pas très rassurant, nous avons réellement pris conscience que ce n’était pas qu’une simple « grippette ». Pour la première fois, j’ai vu des visages qui se décomposaient. Et je vois bien dans certains regards que les gens ont peur. Ce n’est pas une peur panique, mais il n’y a plus tout à fait les mêmes réactions. Certains sont plus agressifs, d’autres plus effacés... Personnellement, je suis juste inquiet quand je rentre chez moi, parce que mon épouse est en rémission d’un cancer.

Comment voyez-vous la reprise ?

Je n’y ai pas vraiment encore réfléchi, est-ce que nous reprendrons nos « bonnes vieilles » habitudes... Il y aura certainement un retour d’expérience prévu par la direction. Nous sommes dans une société où nous pensions que plus rien ne pouvait nous arriver. Sauf que cette pandémie, qui n’est pas une guerre, est venue nous rappeler que oui, nous pouvions mourir. Il y a et il y aura, quelque part, une prise de conscience. Nous vivons une période importante de l’histoire.

Service public : tout faire pour rester utile et efficace auprès de la population

Adaptabilité, mobilisation, protection : retrouvez les trois priorités du SDIS 51 pour assurer sa mission de service public.

  • Organisation stricte
  • Équipements et protocole spécifiques
  • Interventions maintenues

La MNT est reconnaissante aux agents et aux élus qui ont accepté de témoigner dans ce contexte de crise sanitaire mais aussi à tous les interlocuteurs plus que jamais présents et mobilisés. La MNT les remercie pour leur engagement au service du citoyen, au service de la continuité du service public de proximité, de notre service public.

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