Santé des agents : les parlementaires se mobilisent

Quels risques de santé devraient être mieux pris en compte selon vous au sein de la fonction publique territoriale ?

Éric Poulliat : L’engagement des fonctionnaires territoriaux est aujourd’hui sous-estimé. Les agents éprouvent un attachement fort envers leur collectivité et assurent leurs missions en y mettant un supplément d’âme. Ils s’investissent sans compter. On oublie aussi souvent qu’une grande partie d’entre eux exercent en horaires décalés ou durant les week-ends. Ces conditions de travail et cet engagement ne sont pas toujours reconnus, alors qu’ils ont des conséquences sur le niveau de stress et l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des agents. Par ailleurs, il y a urgence à prendre en compte la situation des nombreux agents amenés à gérer des situations de tension et de violence au contact du public.

Les collectivités territoriales ont-elles pris des initiatives suffisantes pour protéger la santé des agents durant les premiers mois de la crise sanitaire ?

É.P. : Elles ont fait preuve d’adaptabilité et de responsabilité dans leur grande majorité. Tout n’a pas été parfait, mais comment l’être face à un événement aussi imprévisible ? Les plans de continuité d’activité mis en place ont bien fonctionné dans l’ensemble. Plusieurs cafouillages ont néanmoins eu lieu, révélant parfois un manque de connaissances juridiques et administratives sur certains sujets pointus. L’autre axe d’amélioration concerne le télétravail. Cette pratique doit subsister au sein des collectivités mais à deux conditions : le télétravail ne doit pas être pratiqué à 100 % et doit faire l’objet d’un management spécifique. Bien loin d’être simplement contrôlée, l’activité en télétravail doit avant tout être organisée et animée pour être efficace.

Les parlementaires peuvent-ils être force de proposition pour contribuer à protéger la santé des agents territoriaux ?

É.P. : Bien que nous ne participions pas aux négociations entre les partenaires sociaux et le gouvernement sur la protection sociale complémentaire, nous relayons un certain nombre de réalités de terrain. Avec mes collègues, nous avons ainsi obtenu la mise en place du rapport unique l’année dernière. Ce document permet d’avoir une vision globale de l’état de santé des agents. Nos échanges et auditions dans le cadre du groupe parlementaire permettent également d’identifier les sujets d’alerte qui mériteront d’être relayés auprès du gouvernement.

Quelles sont selon vous les mesures prioritaires que le gouvernement devrait prendre dans le cadre de la réforme de la santé au travail, prévue d’ici fin 2020 ?

É.P. : La priorité est de retrouver le chemin de la prévention. Pour cela, nous devons faire de la santé au travail un véritable outil de ressources humaines. Les questions de santé doivent être anticipées et intégrées dans l’évolution de la carrière des agents. À ce titre, la mobilité interne constitue un moyen de prévention à part entière. Certains postes de travail peuvent provoquer des blessures au bout de 20 ans d’exercice et il est donc nécessaire que les agents puissent changer d’activité à temps. C’est pourquoi les collectivités doivent accompagner leurs agents dans l’acquisition de compétences transverses.

Dans le cadre du projet de loi fonction publique, adopté l’année dernière, j’avais par ailleurs proposé de faciliter l’accès à la formation professionnelle en vue d’une reconversion pour les agents en arrêt maladie de longue durée. Il me semble aussi prioritaire de renforcer la prévention vis-à-vis des situations d’addictions, à travers une approche sanitaire et psychologique. Vis-à-vis de tous ces risques, les collectivités gagneraient à engager des professionnels dédiés à la prévention et à la formation des agents de leur collectivité.

À savoir

La MNT soutient ce groupe de travail parlementaire

Dans un contexte de réforme des politiques de prévention et de santé dans la fonction publique, la MNT soutient pleinement cette initiative parlementaire. Notre mutuelle s’engage à fournir aux députés et aux sénateurs des éléments d’analyse pouvant enrichir leurs travaux. Notre directeur général, Laurent Adouard, est par ailleurs intervenu au cours d’une table ronde consacrée à la protection sociale complémentaire dans le cadre de ces ateliers. La MNT remercie en particulier le député Éric Poulliat et le sénateur Loïc Hervé, coordinateurs de ce groupe de travail.

Crédit photo : Assemblée nationale

Article publié le 07/12/2020